Lever du drapeau à l'heure de l'Identité Nationale

Publié le par Abd El Malik NOUNOUHI

  http://kalam-de-calligraphe.over-blog.com/article-6187370.html

"croire en les rêves comme si c'étaient des fenêtres

et les ouvrir grands

pour en faire des portes

à entrouvrir au jour naissant

pour entrevoir enfin

le caché dans l'apparent"

calligraphie arabe de Malik nounouhi

"Lever du drapeau"

une nouvelle à lire avant d'aller voter

Ce matin,
Tard dans la veille, quelque chose venue de dehors m'arracha au sommeil.
Debout, les yeux collés au matelas, je tentais de m'extraire d'une nuit tardive et d'atteindre la salle de bain mais le brouhaha venu de l'extérieur, me changea de parcours.

Mon premier réflexe fut de faire un saut rapide dans la chambre de ma fille; une fois dedans, sur la pointe des pieds je jeta un coup d'oeil de soulagement; elle dormait comme son papa, les yeux collés au matelas.
Je revins alors sur mes pas, doucement, pour pas éveiller en elle l'envie de se mettre debout à la verticale.

Dehors, toujours les mêmes bruits. Le même boucan!
Les gens semblaient pris de panique, on entendait des chaises bouger, des tables secouées des cris d'enfants, des paroles inaudibles, farfelues du style «passe moi le drapeau» «il est l'heure, mais ou tu la mis ce foutu drapeau » ou encore « je te l'avais pourtant dit il fallait en acheter un » et on entendait aussi des semblants de réponses, teintées de larmes du genre « mais il n'y en avait nulle part, j'ai pourtant cherché dans tous les magasins, ruptures de stock, m'ont dit tous les vendeurs . J'ai même été tenté d'en arracher un à la façade de la mairie, mais le regard du vigile m'en a rapidement dissuadé. »

Abasourdis par ce que je venais d'entendre, je ne comprenais rien à toutes ses histoires surréalistes, mais pourquoi nom d'un drapeau ces gens s'agitaient-ils comme ça à six heures du matin.
Et puis c'est quoi encore cette histoire de drapeau qui les unissait tous dans la même panique.

Peut-être, n'est-ce qu'un mauvais rêve finalement, un cauchemars qui date de la veille et dont je ne me suis pas encore acquitté.

L'idée me vint alors de réveiller ma femme, pour me mettre les idées au clair, pour fixer à deux, une fois pour toute certaines de ces peurs.
Mais elle semblait dormir d'un sommeil qui n'appelait en aucun cas au réveil, et comme son mari et sa fille, elle avait l'air aussi d'avoir les yeux collés au matelas .Tant pis. Je tends ma main tendrement vers sa tête pour ne pas trop l'arracher à ses rêves mais un bruit venant de l'extérieur, encore plus assourdissant que ceux d'avant me fit sortir de la chambre et courir à la fenêtre.

Mais que se passe t-il au juste en ce jour encore naissant et qui n'avait même pas encore quitté la veille qu'il se prenait déjà les pieds dans un présent agité?

En tirant un peu les rideaux de la fenêtre de la cuisine je laissais échapper mon regard à l'extérieur pour atterrir sur le trottoir d'en face où des gens en uniformes, un haut parleur à la main, la bouche tournée vers tous les bâtiments de la rue et la parole assourdissante collée aux oreilles des murs et fenêtres, ils étaient rangés en ligne droite et se tenaient prêt.
Et soudain, d'une voix unie à tout bout de champs, à tue tête il crièrent : «appel à tous!, appel à tous! lever du drapeaux!, six heures passées de deux minutes! Présentez vos drapeaux aux fenêtres ! Appel à tous!, appel à tous! lever du drapeau! ,six heures passées de trois minutes....»
Leurs pas sur la chaussée résonnaient comme des alignements militaires, on se serait cru dans un film de guerre.

Mais que se passe t-il en fin? Et à quoi rime tout ce bordel.
J'ai couru vers notre chambre à coucher, tant pis pour le sommeil apaisé de ma femme, il faut qu'on m'éclaircisse la pensée, qu'on me mette de l'ordre dans les idées.

Je me suis approché doucement d'elle et en lui caressant le front je tentais délicatement de la ramener au présent : « chérie réveilles toi! ».
«qu'est ce qui se passe? t'es pas encore couché ? me répondit-elle d'un air innocent.
Sans l'affoler et d'une voix aux apparences calmes par rapport à mon bouillonnement intérieur je lui ai dis « il est 6h du matin et il y a un de ces bordels dehors, je ne comprends rien, on dirait que la police cherche quelqu'un dans le quartier et puis tous nos voisins ont l'air de s'être réveiller du mauvais pie...
je n'ai pas eu le temps de finir ma phrase qu'elle fit un sursaut du lit pour se retrouver raide, debout, devant moi comme si elle était au garde à vous, les yeux grands ouverts et d'une voix sur-paniquée, elle me cria à la face : « t'as bien dis six heures ? »
« oui il me semble!, c'est ce que j'ai dis! , il est six heures du matin, pourquoi c'est important? »
«six heures! Oh, mon dieu ! J'avais complètement oublié! le drapeau ?, il est où le drapeau ? »
« mais quel drapeau chérie? » lui demandais-je d'une voix sucrée pour tenter de la calmer.
« voyons, le drapeau que je t'ai demandé d'acheter hier, le drapeau tricolore, enfin! »
« le drapeau tricolore!? Tiens ça c'est la meilleure, parce que tout le monde dehors a l'air de le chercher ton drapeau tricolore chérie, tu veux pas que je te chante la marseillaise aussi tant qu'on y est et puis depuis quand t'es devenue si nationaliste pour exiger un drapeau à six heures du matin! Là je rêve vraiment, c'est pas possible sinon, bon, je vais retourner me coucher, lui-dis-je à moitié en baillant, tant qu'à rêver il vaut mieux être allongé »
ma femme ne se laissa pas décourager par mes paroles et revint à la charge:

« mais ça va pas ou quoi, tu l'as mis ou le drapeau ? tu les entends pas dehors, t'entends pas les hauts parleurs qui crient au lever du drapeau, il faut te réveiller mon grand, on est en 2008, et en 2008 à six heures du mat c'est le lever du drapeau, à la fenêtre, à moins que tu veuilles qu'ils viennent taper à la porte dans 5 minutes et t'embarquer au poste pour te ficher dans leurs listes noires avec la mention « mauvaise identité française » toi qui n'as même pas encore ta nationalité. Est ce que tu sais au moins ce qu'ils font aux « mauvaises identités extérieures» oui c'est comme ça qu'ils appellent ceux qui n'ont que la carte de séjour, les étrangers quoi! tu sais ce qu'il leurs font, ils les fichent, ils les gardent au poste 96 heures et chaque étranger qui refuse de présenter le drapeau à la fenêtre il perd 5 points de citoyenneté et si tu perds tes 25 points, t'es plus un citoyen, alors bon vent et rentre chez toi! Mais attention! Tu rentres pas ici mais dans ton pays d'origine, et dans ce cas là t'as pensé à nous, qui vas s'occuper de ta fille et s'il te renvois dans le pays de tes parents comment tu vas t'en sortir la bas, toi, qui n'y a jamais vécu sauf un mois de temps en temps et en vacances comme un touriste.
Alors s'il te plaît, il est ou ce foutu drapeau que je le mette à la fenêtre avant qu'ils ne montent?

j'entendais ses mots qui m'arrivaient en berceuse, comme les histoires enfantines d'ogres et d'ogresses et de je ne sais quelle bête à 7 têtes que ma mère nous racontait quand on était petit et au fur et à mesure que l'histoire avance et qu'on a peur, on cherche dans le sommeil une fuite et on s'en dort paisiblement, et là ce fut exactement le cas, mes yeux étaient devenus lourds et je m'enfonçais petit à petit dans le lit quand ma femme revint encore de plus belle:
« eh ! réveilles toi »

Devancé par une colère sourde, je pris la main de ma femme et en la fixant d'un regard clair et net tentant de lui expliquer :
« Écoutes, je ne sais pas ou tu vas chercher tes histoires de drapeaux, d'identité, de garde à vue, mais moi je n'ai pas ton drapeau tricolore, alors qu'ils montent m'embarquer s'ils veulent et puis au diable les points de citoyenneté! des points de citoyenneté!? comme pour un permis mais t'as pété un plomb ma parole! »

Ma femme me jeta un regard que je ne lui connaissais pas, elle se tenait là, devant moi, les yeux pleins d'inquiétude, le regard rempli de questionnements, elle resta immobile un moment et fini par poser sa main sur mon épaule et d'une voix basse, douce, tendre et rassurante elle me dis :
« Mais de quel drapeau tu parles! chérie! Et qui doit monter te coffrer et puis c'est quoi ses histoires de citoyenneté! T'as fais un cauchemars c'est ça? Bon c'est pas tout ça mais c'est à mon tour d'y aller, t'as remarqué comment ils sont nombreux cette année, en 2002 il y avait moins de votants, je te pose la question alors que ta somnolé pendant une heure, bon jette un regard à la petite elle est juste là et t'endort pas sinon!!!!! oooh! Je vais chercher le drapeau!!!tu me racontera ton cauchemars tout à l'heure, allez à toute. »


Je n'ai pas dit un mot, j'ai juste lever les mains machinalement vers mes paupières, accompagnées d'un bâillement profond, j'ai fait un tour de tête de la salle du vote, et c'est vrai qu'il y avait plus de gens qui s'apprêtaient à voter par rapport à 2002, j'ai jeté un regard à ma fille qui tournait autour des poteaux de la fil d'attente et puis j'ai regardé ma femme se diriger tranquillement vers les urnes, un petit sourire m'échappa du coin de l'oeil et ma fille couru vers moi et sauta dans mes bras.

la volonté :
« Lorsqu'un peuple veut la vie
Force est au destin de répondre
Aux ténèbres de se dissiper
et aux chaînes de se rompre! »

Abou el kacem a Chabi

Publié dans IDENTITE NATIONALE

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